mercredi 22 janvier 2014

Les Van Cleef et les Arpels en 20 ans ont acquis une renommée internationale, un article de Pierre Assouline


Le Beau Cadeau de Noel d'un journaliste à mon égard




LES VAN CLEEF & ARPELS.

« En 20 ans, ils ont acquis une renommée internationale »


L’ex-joaillier Jean-Jacques Richard, ancien expert en gemmologie auprès des tribunaux de Rouen et Nîmes tient un blog consacré à la joaillerie. Les remous suscités par un article sur la fameuse minaudière de Van Cleef & Arpels l’ont poussé à chercher plus d’informations à ce sujet.
Il en a résulté un livre, retraçant le parcours et les zones d’ombre de ces deux familles juives venues d’Allemagne et de Belgique.

Actualité juive : M. Richard, pourquoi depuis trois ans vous êtes-vous consacré à l’histoire de la maison Van Cleef & Arpels ?
Jean-Jacques Richard : Je tiens un blog consacré à l’histoire de la joaillerie. J’ai été pendant plus de 40 ans bijoutier à côté de la cathédrale de Rouen, et expert auprès du tribunal de la même ville. Bref, j’ai écrit un jour un article à propos de la Minaudière (voir encadré) de Van Cleef & Arpels (VCA)
et là, à mon grand étonnement, le compteur des visites a explosé et j’ai commencé à recevoir du courrier me disant qu’à tel et tel endroit, j’avais fait des erreurs de noms ou de dates. Pourtant j’avais toutes mes sources et mes références, mais c’est justement elles qui posaient problèmes ! Les livres écrits au sujet de la maison VCA relayaient des informations en quelque sorte, officielles. Par
exemple, il était écrit partout qu’une des filles Arpels, mariée à Van Cleef, s’appelait Estelle.
Or sur tous les documents existants à ce sujet elle a toujours était nommée Esther.
Pourquoi vouloir changer ce nom ? De la même manière il y a plusieurs Salomon Arpels qui se sont tous fait appeler Charles.

A.J. : Avant d’aller plus avant dans la saga VCA pouvez-vous nous brosser dans les grandes lignes l’histoire de la  maison ?
J-J. R. : Tout d’abord il y a les Van Cleef, qui viennent de Clèves, comme leur nom l’indique en allemand, et les Arpels provenant des Pays-Bas. Salomon Arpels et Salomon Van Cleef ont épousé deux demis soeurs de la famille Mayer. Le fils de Salomon Van Cleef, Alfred qui a épousé Esther Arpels, une cousine, a reçu une formation de joaillier et, rejoint par les trois fils Arpels a acheté en 1906, une des plus petites arches de la place Vendôme. Et là, ce qui est extraordinaire, c’est qu’en moins de 20 ans, et ne partant de rien, ils ont acquis une véritable renommée internationale, là où la maison Boucheron, par exemple, a mis 150 ans pour parvenir au même résultat.

A.J. : A quoi cela est-il dû ?


J-J. R. : Principalement au talent d’Alfred Van Cleef, aux bons dessinateurs de bijoux et artisans qu’il a su choisir, mais également au fonds qu’il a pu lever grâce à ses relations et aux grands clients que la maison VCA a su séduire. Plus tard la maison a compté parmi ses fidèles la duchesse de Windsor et
l’impératrice d’Iran. Il a su s’entourer des meilleurs comme la Maison Langlois qui a inventé le sertissage invisible et les artisans Rubel qui ont mis au point la fameuse Minaudière, qui doit son nom au fait, rapporte le journal Vogue en 1935, qu’elle favorise les gestes de coquetterie. Je pense que
cette définition est la bonne et non celle de Jacques Arpels qui disait qu'on l’avait appelée ainsi parce qu'Estelle faisait tout le temps des minauderies. Déjà ce surnom d'Estelle n'a jamais été employé par elle, et je ne vois pas Esther Van Cleef qui, en 1914 était dans des hôpitaux, en train de soigner des
blessés ou des gazés dans un état grave, en train de passer son temps à "minauder".

A.J. : Comment s’est passée la période de la Deuxième guerre mondiale pour la maison VCA ?

J-J. R. : Alfred Van Cleef est mort en 1938. Et contrairement à ce que la famille Arpels espérait,car il était marié à une Arpels, c’est sa fille Renée Rachel qui a hérité de ses parts dans l’empire. Et puis, il y a eu l’aryanisation des entreprises juives comme vous le savez.
Renée Rachel a « vendu » VCA à son assureur, un Breton nommé De Leseleuc de Kerouara, qui contrairement à d’autres administrateurs a tout rendu une fois la guerre terminée. Mais Renée Rachel n’a pu voir l’issue de la guerre.

A.J. : Pourquoi cela ?

J-J. R. : Grâce à l’un de ses collaborateurs elle avait pu obtenir de réouvrir une succursale de VCA à Vichy. Mais elle se serait défenestrée quelque temps plus tard de sa chambre d’hôtel.
Ce qui me paraît pour différentes raisons sujet à caution. Le deuxième fait étrange est que son testament, daté de 1938, que j’ai retrouvé il y a peu à Londres, faisait état de sa volonté de léguer tout à sa mère, une Arpels de naissance, avec qui elle était en froid depuis la mort de son père. Comme ils n’ont pas eu d’enfant, cela a signé la fin de la lignée Van Cleef dans la joaillerie.

A.J. : Cela semble bien mystérieux…

J-J. R. : Oui, c’est obscur, et très intéressant. Tous les livres notaient que la maison VCA avait fermé ses portes durant la guerre. Mais on sait maintenant que c’est faux. Un autre fait intéressant et qui pourrait expliquer pourquoi chez les Arpels les noms juifs ont été abandonnés au profit de noms plus européens est le changement de politique de la maison dans les années 70. 
VCA a voulu se rapprocher des Emirats arabes. Ils ont fait à cette occasion un très gros don à une association pour les enfants de Palestine. Il y a eu un article édité dans la presse américaine. A partir de là, cela a gêné.

La minaudière qui déclencha les recherches


A l’image de ce magnifique sac à main gadget pour dames, objet phare de la maison dans les années 30, l’histoire de Van Cleef & Arpels semble recéler, selon Jean-Jacques Richard, des recoins et des compartiments cachés aux regards. Voici comment il décrit l’objet : « Une quantité incroyable d'accessoires tient dans une place calculée à l'avance (…). L'intérieur du couvercle sert de miroir. Un compartiment enferme le nécessaire de beauté, poudrier et rouge. Cette boîte à poudre peut s'enlever et se glisser dans un autre sac pour le jour. Un autre compartiment contient les cigarettes favorites, le
briquet n'est pas oublié ; il est long et étroit ; il répète le même thème de décoration que les autres objets qui sont guillochés ou émaillés, selon les cas ». ●

P.A.





L'OBJET CULTE

La première arche de la place Vendôme achetée par Alfred Van Cleef. Découverte dans les archives de la Ville de Vichy, publiée pour la premiere fois par Jean Jacques Richard, avec l aimable autorisation e Mr le Maire de la Ville de Vichy: Monsieur Malhuret.


Plus de détails sur la saga de VCA sur le site www.histoiredesvancleefetdesarpelsblogspot.fr et surtout dans le livre de Jean-Jacques Richard « l’histoire des Van Cleef et Arpels ». Et sur la bijouterie en général sur le site www.richardjeanjacques.blogspot.fr